Souveraineté numérique ou réappropriation technologique?

Bonjour,

Je me permet d’ouvrir ce topic car étant donné le contexte, il pourrait être tentant d’utiliser l’expression « souveraineté numérique ».

Chez YunoHost, on s’interroge sur ce terme, si on ne s’interdit pas dans l’absolu de l’utiliser dans d’éventuelles demandes de financements spécifiques, on pense par contre qu’en terme de communication nous ne devrions pas l’utiliser.

Le terme participe in fine à mettre en priorité les états-nations, alors que YunoHost cherche avant tout à encapaciter chacun⋅e, à leur permettre de s’approprier ou de se réapproprier des technologies.

Du coup, je transmets ici la réflexion, comme ça chaque chaton à l’occasion de se poser la question du sens de ces mots.

Bonne journée,
ljf

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Merci @ljf !

En ce qui me concerne, je trouve qu’on devrait faire hyper attention à ne pas se faire piéger : il y a une souveraineté nationaliste / protectionniste (c’est le discours dominant) et une souveraineté émancipatrice (dans le sens réappropriation).
Pour moi, les CHATONS peuvent et devraient répondre à la seconde, et combattre la première.

Ces deux liens, rapidement :

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Merci @ljf pour avoir lancer cette discussion.

Effectivement, la souveraineté numérique tel que définie dans ce lien grand public fait mention d’une souveraineté numérique au sens étatique / nationale.

Pas sûr que « réappropriation technologique » soit un terme engageant pour le grand public.

On parle ici de souveraineté numérique à l’échelle locale chez les ChatonsOrg, non ? Mais sans l’aide de structures capables de produire le matériel nécessaire à la création d’une infrastructure IT ainsi que des logiciels libres qui permettent d’établir cette souveraineté numérique locale … On peut pas faire grand chose. Je me trompe ?

Se regrouper en structure au niveau national (comme le collectif ChatonsOrg) ou au niveau européens comme (?) ou au niveau mondial (FSF ?), ça peut permettre d’avancer sur le sujet de la souveraineté numérique locale.

Clément Viktorovitch moquait les vœux 2024 de Macron (le « réarmement démographique »), en disant qu’à l’honneur de la langue de bois était ici le préfixe « re- ». Rassurant car il pose qu’on n’amène rien de nouveau, ré-actionnaire.

J’apprécie l’intervention de @mathieuw. Effectivement pas sûr que « souveraineté » soit entièrement soluble dans le nationalisme. Moi « souveraineté » me fait penser au poème Invictus : « Je suis le maître de mon destin, Le capitaine de mon âme. » Quelque chose d’assez positif donc. Néanmoins il est toujours important d’avoir en tête les représentations de nos interlocuteurices avant d’utiliser un mot.

Et si on voulait s’en passer, j’éviterais le préfixe « re- », parce que le passé glorieux de l’Internet des années 90 ne parle pas à grand-monde, et surtout parce qu’on ne propose pas d’y retourner (mais de créer de nouveaux rapports au numérique, quoi qu’inspirés du passé). « Émancipation numérique », par exemple.

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Je ne pense pas qu’il faille avoir peur du mot « souveraineté », ou tout du moins, il ne faut pas laisser l’ED s’approprier ce terme.

Il y a ici deux aspects :

  • Le sens premier de « souveraineté » est directement lié aux États.
  • Le sens le plus couramment utilisé est une construction par opposition à la vassalité envers les GAFAM.

Je ne pense pas qu’il faille abandonner ce sens, déjà émergent dans les discussions grand public.

On peut effectivement discuter de la communication que le collectif (et plus largement le mouvement du libre) doit adopter. Si une campagne de communication et des actions spécifiquement engagées pour l’émancipation / réappropriation / souveraineté numériques sont lancées, le nom pourrait avoir un impact significatif, mais souveraineté numérique a déjà un ancrage dans les esprits de tout un chacun.

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Je trouve que « souveraineté » sous-entend une opposition (eg. les pays les uns contre les autres), et « appropriation » est basé la notion de possession, donc ces termes sont plutôt négatifs. Et puis, pas terrible pour promouvoir des solutions basés sur la collaboration et le partage à mon avis.
Alors, est-ce qu’il n’est pas préférable de garder quelque chose de positif comme « technologies (numériques) libres », qui finalement englobe aussi les autres concepts ?

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Chez Deuxfleurs on est assez friands de la notion de « contrôle », qui encourage à posséder infra et logiciels qu’on administre. C’est qu’il y a plusieurs propriétés (usus, abusus, fructus). Les franciscains défendent que Jésus n’avait que l’usus de sa toge dans Le Nom de la Rose, alors que les Dominicains maintiennent qu’il en avait jusqu’au fructus. On peut être anti-capitaliste et défendre le droit d’user d’un foyer.
Par ailleurs, « libre » nous a déjà joué des tours : en 2023, je me suis entendu répondre ici même par un pro-FSF que si je voulais redéfinir « logiciel libre », je n’avais qu’à trouver un autre mot. Comme si RMS avait la paternité du concept de liberté, mais qu’importe ! La critique est en fait valide, en cela que « libre » veut tout et rien dire (les libertariens défendent bien la liberté de posséder des esclaves sur leur propriété…).

Attachez-moi maintenant svp ! car j’ai déjà parlé et suis en train de rebondir sur une proposition : le terreau d’un forum illisible. Je me contenterai de vous lire :eyes:

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Pour alimenter le débat : https://www.ucl.ac.uk/bartlett/sites/bartlett/files/reclaiming-digital-sovereignty.pdf
Il s’agit d’un livre blanc récent (décembre 2024) en anglais produit par des économistes.
Personnellement, j’y ai trouvé une tentative de proposer des solutions réelles pour lutter contre les monopoles privés,
et une réelle déception quand je lis en page 8 :

It is also too late to build islands free from their power

Bref, je trouve dommage de ne pas essayer de faire converger des visions très différentes pour aller vers un numérique désirable.Que certain-es utilisent le terme de souveraineté ne me dérange pas (encore…). Le combat prioritaire est de limiter, par tous les moyens, les pouvoirs politiques et géopolitiques que s’octroient ces gigantesques entreprises privées internationales.

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Sur ce sujet, je ne sais pas si vous avez suivi?

C’est intéressant comme approche :slight_smile:

On en a un peu parlé ici, si tu veux jeter un coup d’oeil : Docs et Visio de la suite numérique