Je me permets de vous proposer ma note de lecture.
note de lecture
L’association Boazvita, qui se donne pour mission de mesurer l’impact environnemental du numérique, s’est intéressée à la fabrication des serveurs. Cet article est co-écrit par 4 personnes : Sebastien Solere, Romain Lorenzini, Laurent Eskenazi et Eric Fouboul. Toutes 4 sont ingénieures, plutôt dans le domaine de l’informatique.
Les auteurs commencent par rappeler les facteurs environnementaux à prendre en compte dans le domaine informatique, particulièrement ceux qui sont indirects. Au delà de la consommation électrique des serveurs, il faut aussi prendre en compte leur fabrication et leur fin de vie.
La référence quand il s’agit d’estimer l’impact environnemental d’un objet est de se réferer à la base carbone de l’ADEME, l’agence « pour la transition écologique ». Cette base donne une valeur de référence pour tous les serveurs, de manière indifférenciée. Elle donne aussi des instructions pour moduler cette estimation en fonction d’un critère comme le prix, la taille, le poids, etc. Les auteurs jugent cette approximation peut fiable et décident donc d’aller collecter directement des données chez les constructeurs : HP, Dell et Lenovo.
Passé une phase de collecte, nettoyage et approximation de données, ils cherchent à définir quels sont les facteurs les plus impactants. Ils notent que la fabrication a un vrai poids à prendre en compte dans l’impact global du serveur au cours de sa vie, et que ce poids est modulé par la miniaturisation des composants, la quantité de RAM et de SSD. Ils font remarquer que les données collectées ont des marges d’erreurs (et des erreurs tout courts) qui rend une analyse plus poussée impossible.
Ils introduisent ensuite 2 concepts : l’analyse en cycle de vie (ACV) et le Product Carbon Footprint (PCF). L’ACV est une analyse très poussée qui va prendre en compte la conception, le transport, l’usage, etc. Le PCF est selon eux une analyse mono-critère moins transparente. Ils comparent ensuite une ACV produite par Dell avec une PCF elle aussi produite par Dell. Il en ressort une marge d’erreur très importante entre ces documents qui sont censé concerner (presque) le même serveur. Dans le détails, les SSD et RAM ont un poids très important par rapport au reste en terme d’émission carbone. Les auteurs pointent le fait que Dell fasse certaines analyses avec une configuration de RAM et SSD minimale qui n’est pas réaliste d’un usage en production. Autrement dit, ce qui pollue ce sont les composants configurables du boitier : RAM, CPU, SSD, etc. et non « la base » vendue par Dell sous une référence donnée.
Enfin, les auteurs se penchent sur la littérature scientifique : un livre de Sarah B. Boyd, 3 articles ainsi que sur une étude l’Agence Fédérale Allemande pour l’environnement nommée Green Cloud Computing. Plutôt que de partir sur le produit fini (le serveur), ils décident de partir de ses composants (CPU, RAM, SSD, etc.). Les auteurs parlent alors d’une analyse bottom-up. Ils introduisent des indicateurs (GWP, PE, ADP), le dernier évaluant par exemple l’utilisation de minéraux et de matières premières fossiles, et donc pouvant peut-être quantifier l’impact de l’extraction minière. Utiliser ces différents indicateurs permet de faire un analyse multi-critère. Pour chaque composant (CPU, RAM, SSD) ils référencent des caractéristiques (exemple : la surface du circuit intégré) et construisent à partir des données disponibles un modèle qui, à partir de la configuration souhaitée de votre serveur, donne son impact environnemental de fabrication (en émission de gaz à effet de serre, en extraction de ressources, en énergie utilisée, etc.). Finalement, ils valident ce modèle en reprenant la même configuration de serveur que celle choisit par Dell pour son ACV et constate qu’ils obtiennent des valeurs proches.
Ils finissent par conclure que les données manquent cruellement et que celles fournies par les constructeurs sont de de mauvaise qualité. Que leur approche multi-critère est vraiment bien ( désolé je trolle, c’est la fin) et ont plein d’idées pour aller plus loin. Toutes leurs sources sont référencées, la plupart des données devraient être accessible (sauf l’ADEME qui demande un compte pour accéder à la base carbone, apparemment l’open data c’est pas pour tout le monde, ce tacle était gratuit).
(tentative) d’avis critique
Attention, ce n’est pas pour dire que c’est mal, cet article est très intéressant même, et tenter d’avoir un avis critique n’enlève rien à sa pertinence.
L’hypothèse que la miniaturisation amène à une consommation accrue est intéressante, il serait bien de la tester face à une seconde hypothèse : puisque les données sont souvent fournies en pourcentage, il se pourrait simplement que les serveurs de petite taille (1U) consomment moins d’électricité que les plus gros pour une fabrication toute aussi couteuse, ce qui aboutit à un pourcentage plus important à la fabrication. En effet, les serveurs racks ne sont pas vendus aux mêmes clients que des serveurs tower, clients qui ont des besoins différents.
Le modèle est validé uniquement sur une ACV, et on ne sait pas comment Dell a procédé pour cette dernière : peut-être ont il simplement utilisé la même méthode ?
Plus une critique sur la forme que le fond, mais la définition de PCF (Producat Carbon Footprint) ne vient que dans la 2nde itération alors qu’elle est évoquée, mais sans la définir, plus tôt dans le texte.