Témoignage
Alors comme je le disais pendant la réunion, chez ARN, notre ancienne présidente est malvoyante. Nous étions plusieurs à utiliser le doublet compressé: par exemple « tou⋅te⋅s », sauf que orca ou en tout cas sa version/config d’orca ne lit pas correctement le doublet compressé peu importe le signe utilisé… Faut savoir qu’elle fait beaucoup de sacrifices (trop?) pour utiliser des systèmes libres, sous windows avec NVDA elle aurait peut être moins de soucis.
Pour gagner du temps, elle met la lecture à la vitesse maximum, elle a l’habitude, mais de notre côté nous sommes presque incapable de comprendre ce que la liseuse dit.
Souvent elle est fatiguée, vis à vis des difficultés de son quotidien pour s’intégrer, comprendre ce qu’il se passe, la communication non verbale etc… Un jour de fatigue, elle m’a carrément dit au téléphone que pour elle l’écriture inclusive était une écriture excluante, qu’il fallait qu’on arrête avec ça.
Chez nous, on a fait un atelier/jeu « parcours web à l’aveugle » à destination des voyants sur le modèle des parcours en fauteuil roulant, nous étions seulement 5 (pas assez de com’), mais globalement c’était très dur. Une des personnes de cet atelier a été quasi-aveugle peu de temps après pendant 1 mois 1/2. Un accident complètement imprévu. La personne a essayé la synthèse vocale et elle n’a pas vraiment réussi.
Depuis, nous avons cette règle sur notre discourse:
Ce forum comme le reste des services d’ARN est régit par les statuts de l’association, son règlement intérieur (éventuel) et ses CGU.
Chaque personne est invitée dans ses échanges à faire de son mieux pour éviter qui pro quo, joute, trolls, pertes de temps et d’énergie, comportements excluants ou discriminants, etc.
N’oubliez pas d’écrire des vrais textes alternatifs pour vos images, il y a au moins une personne active dans l’association qui s’en servira avec son lecteur d’écran. Pour la même raison, évitez d’utiliser les formes contractées de l’écriture inclusive « doublets abrégés » (même le point médian). A la place, optez plutôt pour la règle de proximité, les mots épicènes, les formules englobantes, les doublets complets, faite appel à votre imagination pour que votre texte soit accessible ET inclusif.
Même si en France l’informatique est socialement assimilée à un milieu masculin, évitez de présumer des compétences de vos interlocutrices (mansplaining).
Explications des différentes formes d’écritures inclusives
Règle de proximité: avant que richelieu décide que le masculin l’emporte sur le féminin on accordait avec le mot le plus proche: « Les hommes et les femmes sont belles »
Mots épicènes : élève, adulte, bénévole, analyste…
Formules englobantes : l’équipe de développement, les personnes malvoyantes, tout le monde…
Doublets complets : Les adhérents et adhérentes
Doublets compressés ou abréviations inclusives: Les adhérent⋅e⋅s
Il y a aussi les pronoms « iel ielles » ou l’usage de mots d’autres langues « users ».
Comparatif de formulation
https://codepen.io/vincent-valentin/full/woGLVL
Comment les liseuses vocales lisent l’abréviation inclusive (point médian ou autre)
cf https://www.lelutinduweb.fr/ecriture-inclusive-accessibilite-solutions/
le lecteur d’écran NVDA lit : « participant e s » ;
le lecteur d’écran JAWS lit : « participant point e point s » ;
le lecteur d’écran VoiceOver lit : « participant point médian e point médian s ».
Pour Orca, dans les versions que j’ai essayé, par défaut « participant point médian e point médian s » mais on peut le régler pour ignorer le point médian « participant e s ». Toujours est-il qu’avec une vitesse de lecture au maximum (et c’est absolument nécessaire) et ben ça coupe la phrase et la capacité de compréhension.
Si vous avez des infos, sur des correctifs à ce sujet je suis preneur.
Le cas du HTML
Quand il y a du HTML (complet) possible, on peut s’arranger quand même.
Moi je fais ça:
Cet<span aria-hidden="true">·te</span> adhérent<span aria-hidden="true">·e</span>
J’ai lu aussi que d’autres font (mais je n’ai pas testé):
<abbr title="lecteurs et lectrices">lecteur·ices</abbr>
Dyslexie
Je serais curieux de savoir si des expériences de lecture ont été menées avec des personnes dyslexiques. Mine de rien ce n’est pas négligeable non plus. Ça rejoint un peu le message de @vincentxavier plus haut.
La question des personnes non-binaires
Il reste tout de même cette question des personnes non binaires qui se reconnaissent mieux dans les doublets abrégées (adhérent⋅e⋅s) que dans les doublets complets (adhérentes et adhérents).
Typiquement, de ce fait, je parle de « membres » autant que je peux…
Si ce n’est pas possible que faire? Faut-il choisir entre les personnes non-binaires et les personnes mal-voyantes/dyslexiques ? Dans la lutte contre les discriminations il arrive parfois qu’il y ait des collisions, des intérêts divergents. Typiquement, l’intégration des femmes trans qui souhaitent intégrer des collectifs non-mixtes de femmes (pour parler de viol ou de violence conjugal par exemple) posent parfois question.
A l’époque, j’étais dans une asso qui faisait des rencontres entre associatifs de la lutte contre les discriminations. Rassembler des personnes LGBT, féministes, religieuses, mal-voyantes, autistes, roms, noires (etc.) ça aide, il y a des points de convergences et sur les divergences, au moins on s’écoute. Malheureusement, l’orga de ce genre d’évènement c’était chronophage et il n’y a pas eu de personnes pour prendre la suite.
En tout cas, il ne faut pas perdre de vue que même si on vit des discriminations on est aussi très probablement à l’origine de comportements discriminants.
Pourquoi tout ça ?
Certaines personnes peuvent se demander si tout ça est bien utile, si c’est notre but etc… A mon sens, il ne faut pas sous estimer l’impact du langage. De nombreuses personnes pensent encore que des insultes courantes comme « enculés » n’ont pas d’impact, mais c’est faux.
C’est un peu pareil pour cette question de notre langue qui discrimine je pense.
De façon plus politique, il faut aussi comprendre qu’il y a des thématiques entières autour de la préservations des libertés face au numérique qui sont liés aux minorités. Cette année l’inter-LGBT a soutenu une position de La quadrature et je pense que ce genre de soutien n’est pas à négliger ( cf https://www.inter-lgbt.org/non-la-lutte-contre-la-haine-ne-saurait-justifier-la-censure-communique-de-presse-du-08-07-2019/ ).
Concrètement
La position de pyg me semble bien: définir les règles et faire un vote.