Bonjour,
Dans le contexte actuel de tensions dans le collectif, en particulier autour de la question du « label » CHATONS et de ses critères d’attribution qui semblent nous diviser, je souhaite vous faire part d’une proposition que l’on pourrait appeler « remplacer le label par un diagnostic ».
Cette proposition se base sur l’expérience de ma copine au sein du réseau Agriculture Paysanne, un réseau d’associations qui mène des actions de formation, d’accompagnement et de militantisme pour promouvoir le développement d’une agriculture écologique, éthique, responsable, etc. Je vous livre en première partie le texte écrit par ma copine, puis je vous donne mon commentaire et quelques idées pour en faire une proposition concrète pour les CHATONS.
Quel est l’objectif/l’enjeu des CHATONS ? A mes yeux (et j’ai peut-être tord, je ne connais le collectif que de très loin) c’est de développer l’accès pour toustes à un internet éthique, libéré des GAFAM, où nos données ne sont pas vendues ou utilisées de manière obscure. C’est également de permettre l’appropriation de l’Internet et des questions qu’il pose (techniques, éthiques, sociales, environnementales) à toustes, pour que chacun.e puisse cheminer à son rythme vers des pratiques plus vertueuses.
Un label permet aux utilisateurs de s’y retrouver facilement au milieu de toutes les initiatives et services proposés. C’est un coup de tampon qui dit « allez-y, vous pouvez avoir confiance » et qui ne demande aucun effort de lecture ou d’analyse. Pour le lecteur c’est simple, rapide, efficace.
Pour les labelliseurs et le labellisé en revenche, c’est une autre histoire ! Comment décider d’attribuer le label ou pas à un CHATON « candidat » qui serait premier de la classe dans une catégorie mais plutôt mauvais dans une autre ? Comment recevoir un refus et le percevoir comme une marche de progression et non un rejet de son travail, une négation de l’effort déjà fourni ?
Je travaille dans le développement agricole et plus spécifiquement pour le développement d’une « Agriculture Paysanne » et il a été décidé à la naissance de notre mouvement que l’Agriculture Paysanne ne serait pas un label comme l’est l’Agriculture Biologique (AB) mais une démarche, une envie d’aller vers et que son évaluation passerait par un diagnostic.
J’ai le sentiment que les CHATONS pourraient faire de même et que ce serait une belle évolution.
Je vais expliquer à partir de ce que je connais, puis faire le parallèle avec les CHATONS.
Tout paysan.ne peut demander à réaliser un diagnostic « Agriculture Paysanne » sur sa ferme. Une personne qui a été formée à cela vient alors lui rendre visite pour établir ensemble le diagnostic à partir de données chiffrées et objectives données par le/la paysan.ne et de questions, plus ou moins subjectives auxquelles la personne diagnostiquée répond selon son point de vue. Si elle a du mal à se positionner, l’accompagnant.e peut l’aider en explicitant la question ou en faisant expliciter ses pratiques et ses motivations à la personne diagnostiquée. S’en suit un traitement des données et quelques calculs : chaque réponse attribue plus ou moins de points, organisés suivant différentes catégories. Puis une restitution est faite à la personne diagnostiquée : on lui présente les points obtenus dans chaque catégorie (sous forme visuelle synthétique puis détaillée) et on les analyse avec elle. Obtenir un 100 % dans une catégorie est assez rare, rarissime dans certaines, là n’est pas l’enjeu. L’enjeu est d’utiliser ce diagnostic pour que la personne diagnostiquée ait un autre regard, objectivé par le diagnostic, sur son système, identifie les écarts entre le réel et « l’idéal » et en particulier ceux qu’elle peut réduire. A partir de cette discussion et suivant les envies de progression du diagnostiqué et ses priorités, des actions sont co-construites pour lui permettre d’améliorer ses pratiques et son score.
Le diagnostic « Agriculture Paysanne » est également parfois utilisé en collectif : on réunit en présentiel plusieurs personnes souhaitant faire un diagnostic sur leur ferme. Un.e accompagnant.e anime la séance, iel présente le diagnostic, ses éléments et déroule les questions avec le groupe. Chaque personne y répond pour sa propre ferme mais peut poser des questions de compréhension (qui profitent à tout le groupe), et sur certaines questions difficiles à objectiver, les participants peuvent discuter entre eux pour s’auto-positionner plus facilement. S’en suit un traitement des données de chacun par l’accompagnateur.rice. Puis nouvelle séance en présentiel pour restituer les résultats et travailler à plusieurs sur les améliorations possibles, les actions à mettre en œuvre.
Un diagnostic peut à nouveau être réalisé quelques années plus tard pour mesurer les progrès réalisés et se donner un nouveau cap, de nouvelles priorités pour progresser.
Pour les CHATONS, j’ai l’impression qu’un diagnostic serait plus pertinent pour porter l’ensemble des membres du collectif vers l’avant et ne pas avoir à rejeter qui que ce soit. L’idée est d’accompagner tout le monde : ceux et celles qui ont encore beaucoup de progrès à faire en les aidant à identifier leurs marges de progression mais aussi aider les plus vertueux à faire toujours mieux. Cela évite le sentiment d’échec ou de rejet, cela évite aussi des choix parfois impossibles à faire au moment du vote d’attribution ou non du label CHATONS.
Ces diagnostics pourraient être réalisés en individuel et distanciel ou en collectif (visio ? Présentiel lors des camps CHATON par ex?).
Pour l’annuaire, la conséquence serait d’y inscrire tous celleux qui ont passé le diagnostic, avec le résultat du diagnostic, sous forme visuelle et synthétique, et accès à une forme plus détaillée pour celles et ceux qui le souhaite. Transparence totale.
Bien entendu il y a des aspects négatifs à cette méthode :
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Elle nécessite plus de travail de lecture et d’analyse de la part du lecteur de l’annuaire. Mais en même temps, est-ce vraiment gênant ? Est-ce que les lecteurs de l’annuaire ne sont pas déjà des gens sensibilisé et prêts à cet effort ? Est-ce que l’un des objectifs des chatons n’est pas de sensibiliser les utilisateurs et de les rendre critiques de leurs choix ?
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Elle désimpliquerait les membres du collectif dans le processus d’entrée d’un nouveau membre car seule 1 personne est nécessaire pour réaliser le diagnostic d’un candidat. Cela peut être à la fois libérateur, et risqué pour l’interconnaissance au sein du collectif. Une solution partielle serait de faire appel à plus d’une personne pour réaliser le diagnostic (d’un même CHATONS ou de CHATONS différents?) et que cette mission tourne entre tous les membres. Cela reste à creuser, imaginer, inventer.
De manière très concrète, la proposition « remplacer le label par un diagnostic » peut se résumer de la manière suivante :
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arrêter le processus de portée sous sa forme actuelle
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établir un groupe de travail qui créera, à partir de la charte actuelle, une grille d’évaluation qui permettera de noter les CHATONS sur différents domaines (proposition ci-dessous)
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à tout moment, un aspirant CHATON peut solliciter le collectif pour se faire accompagner pour obtenir son diagnostic et recevoir des conseils sur des possibles pistes d’amélioration
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tout chaton ayant reçu un diagnostic, aussi mauvais soit-il, apparaît dans l’annuaire . Le diagnostic est notifié en toute transparence sur la page du CHATON, par exemple sous la forme d’un diagramme visuel, et peut servir de nouveau critère de recherche et de tri
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on organise une rotation des personnes en charge d’établir les diagnostics, par ailleurs on garde un processus où les diagnostics sont discutés ouvertement (comme l’évaluation des portées sur le gitlab) et où tout le monde est invité à contribuer (mais sans obligation)
Pour la grille d’évaluation, ça pourrait ressembler à une note de A à F sur chacun des aspects suivants :
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protection de la vie privée et des libertés fondamentales
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résilience (backups, redondance, bus factor, SLA)
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transparence et qualité de la documentation
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user-friendlyness (= facilité à utiliser sans lire la doc !)
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préoccupations environementales
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accessiblité
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militantisme et éducation populaire
En résumé, les avantages de ce fonctionnement seraient les suivants :
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pas de débat interminable sur le « oui ou non »
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pas besoin de mobiliser tout le monde à chaque portée (tout le monde n’a pas le temps)
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pas de sentiment de rejet des chatons refusés
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possiblité d’accompagner les chatons vers un mieux (au lieu d’une situation fermée à l’issue du vote, quel que soit son résultat)
Les inconvénients seraient les suivants :
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le diagnostic pourrait assez facilement se retrouver à être réalisé en isolation par une ou deux personne du collectif, sans lien forcément avec les autres et sans leur implication
- ce problème pourrait être résorbé en mettant des petites règles du style « une personne/un CHATON ne peut pas participer à plus de 1 diagnostic sur 10 »
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les nouveaux chatons ne seraient pas automatiquement connus des anciens membres du collectif
- le processus d’évaluation doit être réalisé de manière ouverte (e.g. sur le forum) et l’actu des nouveaux chatons peut être envoyée directement aux anciens, par exemple dans une newsletter. Par ailleurs des espaces de rencontre (forum, camp chatons) continuent à être disponibles pour entretenir la socialisation au sein du collectif
Dans un premier temps, je vous propose de commencer par réfléchir et discutter sur ce fil pour recueillir vos avis sur la proposition. Si ça prend, et en fonction du calendrier et de l’actualité du collectif, on pourra envisager une réunion pour réfléchir à ce qu’on en fait (sans doute pas avant 2024).
À vos claviers !