Fabrice, je suis d’accord avec toi sur l’entraide et que les actes font avancer le monde. Tellement d’accord que c’est pour ça que Deuxfleurs est venu partager ses travaux Garage sur CHATONS, qu’on coopère sur le sujet - je considère que l’aide vient souvent dans les 2 sens - avec de nombreux CHATONS, bien souvent en dehors du forum. Quant aux actes, j’en ai cité également plus haut (les « Quoi de neuf à Lyon ») et ce projet de réunion pour aboutir sur les sujets de gouvernance + code de conduite + camps 2024 + continuité ressemble quand même à un acte bien ambitieux puisque le collectif n’a jamais abouti là dessus depuis 2016. Bref, je crois qu’on fait des choses…
Je continue mon monologue du coup…
À propos de la gouvernance (partagée)
Avant de parler de gouvernance, je veux parler de politique (une explication en vidéo). De ce que je comprends, on retient 3 définitions, de la plus large à la plus restrictive : Politikos, l’organisation de la cité, comment on vit et on veut vivre ensemble ; Politeia qui fait référence à la constitution, aux théories politiques, et enfin Politikè qui réfère à la pratique du pouvoir, comme les élections, comme dans « elle fait de la politique ».
Suite aux désillusions du XXè siècle, la notion de politique, et les projets de « progrès humain » et de « monde meilleur » est un peu tombé en désuétude. D’où l’émergence du terme de « gouvenance ». On peut parler de la « gouvernance de l’UE », aussi de la « gouvernance d’Internet ». De ce que je comprends, c’est un terme qui a émergé pour penser une Politeia plus horizontale, plus participative, moins violente, dans des objectifs plus de co-opération, de co-ordination, de co-production, etc. Elle comporte aussi une dimension beaucoup plus gestionnaire, « comment faire tourner la machine », « business as usual », moi ça me fait penser à la Realpolitik. Pour poser cette définition/critique de la gouvernance, je me base sur une note de lecture du livre Critique de la gouvernance, livre que je n’ai pas lu.
Concernant la gouvernance partagée, l’article Wikipedia me semble intéressant. Classé dans « management », il décompose le terme comme suit :
Le terme « gouvernance » renvoie à l’exercice du pouvoir, le terme « partagé » renvoie au fait de le répartir parmi plusieurs protagonistes (souvent qualifiés de parties prenantes)."
C’est rigolo de voir ce glissement sémantique : la gouvernance qui était vu comme une forme de politique moins autoritaire, plus coopérative, moins violente, est de nouveau vu comme l’exercice du pouvoir vertical et hiérarchique ici, d’où le fait de devoir lui accoler le mot « partagé ». Pour moi, la différence se situe aussi beaucoup dans l’échelle (beaucoup plus petite) et la cible (d’abord des organismes privées : des assos, des coopératives, l’ESS, etc.). Voilà comment l’Université du Nous présente le concept en vidéo : Le Mooc « Gouvernance partagée » commence !
La gouvernance partagée semble recouper des modes d’exercice du pouvoir comme la sociocratie ou l’holacratie, des réflexions issues de l’entreprise libérée, des modes de décision comme la prise de décision par consentement, des méthodes d’élection comme l’élection sans candidat, et de manière générale, tout un tas de réflexion bienvenue sur comment rendre notre fonctionnement en tant que groupe plus agréable, plus fluide, etc. comme par exemple la météo des émotions.
Tout cet ensemble de savoir peut être mis en mouvement pour faire fonctionner des groupes de gens, que ce soit un tiers-lieux comme La Bascuale Argoat ou un parti politique, comme le parti Pirate (j’y reviens plus tard).
On peut aussi trouver des critiques - qui n’invalident pas du tout les apports et points positifs de ces méthodes ceci dit - dans le monde de la recherche, par exemple celle-ci sur l’Holacratie : Les apports contrastés de l’holacratie à la démocratie délibérative en entreprise. Une étude ethnographique dans une PME de l’Yonne.
Les expert-es au sein du collectif
Du coup moi mon truc c’est plutôt la politique, les idées, et pas trop l’exercice du pouvoir, la gestion, il faut le reconnaître. MAIS MAIS, on a les meilleures personnes de France sur les points précédents ! Et je balance !
@ColibrisOutilsLibres est une émanation du Mouvement Colibris. Et on retrouve le logo de Colibris sur les vidéos de L’Université du Nous, qui est la structure (?) qui a revendiqué la première le sujet de la gouvernance partagée vers 2011 (according to Wikipedia).
@Nebulae dont plusieurs de ses membres se sont formés à la gouvernance partagée, et maintenant, font de l’accompagnement à ce sujet.
@IndieHosters (et probablement d’autres personnes ici et à Lyon) qui ont des liens avec La Myne, un Tiers-Lieux perché à Villeurbane qui je crois à pas mal réfléchi à tout ça, au point que leur mode de gestion s’appelle maintenant Cthulhu (svp svp pas de Cthulhu). Un tentacule de Ctulhu.
@martin.cronel à travers sa pratique au sein du parti pirate.
@furax37 et ses méthodes d’animation de réunion (qui sont la partie la plus fine-grained de la gouvernance partagée souvent). Son site et son site ressource. Laurent a animé un temps lors de la formation EmancipAsso de janvier 2023 organisée par Anne-Laure et Angie.
Vous - probablement que je vous ai oublié, et j’en suis désolé, je ne connais pas encore assez bien tout le monde ^^
Regard sur la proposition de Martin
Martin (et celles et ceux qui ont participé aussi, Florie et d’autres sans aucun doute), je pense que ta proposition faisait vraiment sens, et pourtant elle ne me faisait pas vibrer. Merci encore pour ton travail, ton temps, ton sérieux - on retrouve vraiment les apports de la gouvernance partagée. Par la suite, je propose mon regard de pourquoi ça n’a pas marché - ce n’est que mon avis. Si vous pensez qu’il est super nul, donnez le votre plutôt que de critiquer le miens !
Pour rappel, je vous mets une slide où vous pourrez reconnaitre les cercles de la sociocratie/holacratie (désolé je sais pas faire la différence) :
Normative/Descriptive - À mon sens, une première raison de l’échec, c’est que c’était une approche « normative » et non une approche « descriptive » : aujourd’hui ce n’est pas du tout comment le collectif fonctionne et il faudrait donc « projeter » des gens dans ces rôles. En fait c’est une approche très théorique, et il fallait croiser les doigts pour que ça réponde aux problèmes et que ça soit utile aux gens pour agir, et que ça allait séduire les gens en se disant « ah ça y est, je me retrouve dedans, ça va me permettre d’agir, de faire des choses dans le collectif que je n’aurai pas pu faire avant ». Voilà, ça n’invalide rien du tout jusqu’ici, mais faut reconnaître que c’était un pari.
Trop gestionnaire - Et un des premiers points qui m’a refroidi, c’est qu’à l’échelle de ce qu’on fait au niveau collectif, ça m’a l’air d’être un bulldozer. Sans vouloir diminuer le travail d’Angie, et en ayant participé à la dernière réunion du GT asso, aujourd’hui il y a les taches suivantes de bien identifiées : organiser les candidatures, organiser le camps CHATONS, organiser la réunion mensuelle, la communication externe, les services en ligne, modérer le forum, et 2/3 autres bricoles. Dans une approche gestionnaire uniquement, l’objectif est de trouver un moyen de perpétuer ces tâches avec le moins d’effort possible. Pas sûr qu’on ait besoin d’autant de processus donc.
Transmission des savoirs - Un deuxième point, c’est que ce graphique mobilise beaucoup, beaucoup d’outils (pertinents) de la gouvernance partagée. Mais trop, même moi je maîtrise pas tout, j’ai du pas mal lire sur la gouvernance partagée pour écrire ce billet. Je pense qu’un outil doit être introduit seulement après que le savoir ait été transmis aux intéressé-es. Et le corollaire, c’est que le temps des intéressé-es est précieux, et qu’on doit vraiment choisir nos combats.
Temporalités - De plus, l’organisation proposée semblait requérir beaucoup de temps, et un investissement continu. C’est compliqué quand on a un boulot / les clients à gérer en journée, qu’on pense à notre action bénévole / la « mission » de notre CHATON le soir, et qu’en plus on doit, en bonus, devoir bosser sur le collectif.
Conflits latents - Enfin, à mes yeux, un frein majeur à l’engagement dans le collectif - mais je dirais même plus simplement, à partager ce qu’on fait au sein du collectif plutôt que de passer en direct entre nous - ce sont les conflits et les frictions qui sont là, qu’on essaie d’éviter au maximum. C’est pour ça que je mets les pieds dans le plat personnellement, même si actuellement c’est pas le meilleur moment de ma vie, j’ai des espoirs de lendemains qui chantent ^^. Et du coup, ben c’est bête parce que ça n’a rien à voir avec la proposition, mais je pense que ça influe sur sa réception.
Les leçons que j’en tire, et le sens que je mets à « léger »
Une approche descriptive - L’idée c’est de mener un projet sur 6 mois, qui serait porté par Adrien et moi, projet bien défini : « gouvernance + code de conduite + continuité + camps chatons 2024 ». Qu’une relève soit prise sur les 6 mois suivants : « visibiliser les membres du collectif : que fait-on des candidatures+annuaire ». Si personne ne prend la relève, et ben ça laissera de la place pour d’autres projets au sein du collectif (et oui j’ai des idées de chose qu’on peut faire ensemble, elles sont déjà là, mais en marge du collectif ajd). On met ça en oeuvre, on se prouve qu’on peut le faire, et dans un an on dit « qu’on pratique la gouvernance tournante » (cette idée n’est pas neuve, vous en retrouverez des traces dès 2019 dans l’historique du forum). On décrit ce qu’on a réussi à mettre en place.
Place à l’action ! - La gestion du collectif ne doit être là que pour supporter l’action. Aujourd’hui il y a des choses qui marchent (par exemple la répartition des services entre différents CHATONS fonctionne - pour rappel : Le forum par Indie Hosters, le Nextcloud par le Cloud de Girofle, le site web par Framasoft, les stats par Cpm ; et si un membre ne veut plus contribuer, on trouvera quelqu’un d’autre). Je sais que ça parait creux comme ça mais : on pourrait réserver un amphi - vous voyez c’est pas si compliqué - pour proposer une journée de réflexion sur l’hébergement / les services numériques avec des invités / table ronde. On pourrait commencer aussi par d’avantager recenser ce qu’on fait chacun de nos collectifs : les évènements organisés, les interventions réalisées, les success stories avec des gens, etc. Ça pourrait créer de l’émulation. L’important pour moi, c’est qu’un maximum de choses puissent être faites spontanément par les membres du collectif, en autonomie, et que ce soit quelque chose de valorisé, encouragé, pas juste une vague possibilité théorique.
Transmission des savoirs - Je pense que la gouvernance partagée peut nous apporter beaucoup de chose, mais il faut identifier un petit élément, le mettre à l’expérimentation, et l’intégrer seulement si il a marché. De manière générale, force est de constater que tout le monde (moi le premier) ne lit pas tous les comptes-rendus de réunion, tout le forum, etc. À mon sens, l’idée c’est de penser un travail de synthèse régulièrement, dans des lieux/temporalités différentes. Par exemple, à chaque camps CHATONS, faire un résumé, une synthèse de l’année passée. Par exemple, un terme un peu pompeux de la politique que j’aime bien, c’est le discours sur l’état de l’union. Je cite/reformule :
[On] fait le bilan de l’action […] tout en présentant les grandes lignes des futures propositions
J’adorerais un « État de l’Union pour les CHATONS », et ça me ferait bien marrer d’en faire un au camps CHATONS 2024.
Temporalité - Je pense qu’il faut penser un fonctionnement « fractionné », avec des « temps forts ». Le collectif, c’est pas là où « on habite », on fait du continu dans notre CHATON, mais le collectif c’est plus un endroit « pour se réunir ». Et nos CHATON sont pas assez gros pour dédié un-e bénévole (ou employé) pour représenter à l’année notre CHATON. On se retrouve donc au four et au moulin. Mais si on créer des temps forts (la journée du 14 octobre cette fois-ci qui pourrait se transformer en session d’un jour l’hiver, le camps CHATONS de l’été), là je pense qu’on tient quelque chose.
Conflits latents - Sur ce point, cf les autres fils du forum.
Un exemple de proposition « légère » donc
Elle est forcément radicale pour vous forcer à réagir, mais moi je serais très heureux d’un collectif qui fonctionne en séquence de 6 mois, avec à chaque fois un projet clairement défini (là on serait disons pour simplifier « établir la gouvernance », après « visibiliser les membres », et après on verra), des gens qui le portent, en mode gouvernance tournante.
Le fait d’établir un projet, sur 6 mois, porté par un groupe qui se sent bien ensemble, qui fonctionne bien, sur lequel il faut réfléchir en amont, j’ai le sentiment que ça permet de créer de l’émulation, de la réflexion, c’est aussi obliger à réfléchir de manière stratégique, à se projeter, ça permet aussi de rassurer : c’est que 6 mois, on peut passer à autre chose après. Pendant un temps il était question d’aller chercher des sous pour les CHATONS, si c’est une vraie réflexion, ben c’est carrément une séquence de 6 mois qui va nous occuper là, voire plus, et ben go ! C’est aussi là qu’on met la gouvernance, en temps qu’outil de gestion de côté, et qu’on effleure le politique, en se demandant dans quel monde on veut vivre, à quoi on veut que le collectif ressemble (ie. stratégie = se projeter dans l’avenir = quel avenir on veut = politique).
Ces séquences de 6 mois se termineraient par un temps fort, où tout le monde serait convié, et ce serait « l’investissement minimal attendu », temps fort en physique dans la mesure du possible, incarné aujourd’hui par le camps CHATONS et une potentielle session d’hiver sur le format de la réunion du 14 octobre.
Ça voudrait dire la fin des réunions mensuelles : les réunions seraient organisées au besoin, et en fonction du mode de travail préféré, des gens qui portent la séquence des 6 mois. Le compte-rendu, la transmission des informations, le fait de rendre compte, etc. se ferait toujours à la fin de ces 6 mois. Et on peut se répéter un peu : à chaque fois on peut revenir sur l’an passé, comme si ça vous avez raté une étape, vous êtes pas perdu-e.
D’un point de vue bénévole, ça veut dire qu’on ne demande plus que la présence régulière d’un-e représentant-e de chaque collectif tous les 6 mois / 1 an. On fait retomber la pression aussi du coup, ça nous permet aussi d’investir de l’énergie, du temps, pour rendre ces moments conviviaux, chaleureux, et que les gens qui ont pris le temps pour le collectif, et bien que ces gens repartent en ayant passé un bon moment, en ayant mangé de bon petits plats, en ayant discuté avec les ami-es, etc. etc.
Les prises de décision ne se feraient que lors des temps forts, par vote à la majorité des présent-es, à main levée. Aucun logiciel ne serait utilisé dans le processus, on éliminerait les modes de vote plus justes (comme le jugement majoritaire) car trop compliqué à mettre en place. Aucune plateforme de décision (Decidim & co) ne serait mise en place. L’idée derrière ça c’est que le vote ne doit pas être la finalité d’une action, le centre de notre attention, mais un moyen parmi d’autre de dépasser un conflit avéré ou potentiel. Les plateformes de discussion en continue réinscriraient dans le continu les échanges, ce qui exclurait trop de monde. Les échanges et propositions doivent se construire d’abord entre personnes aux affinités communes, et ensuite doivent être présentées et soumises au collectif pendant un temps fort, où beaucoup de monde est rassemblé. Pour continuer cette réflexion, je vous propose ma petite note sur la tyrannie de l’absence de structure de Jo Freeman (scrollez un peu dans la page).
En conclusion
L’approche est « légère » parce qu’elle :
- n’a pas besoin de beaucoup de mécanisme de gestion
- ne nécessite pas d’acquérir de grande quantité de savoir pour comprendre son fonctionnement
- ne nécessite pas (la plupart du temps) de passer par de la bureaucratie pour passer à l’action et s’approprier le collectif
- elle délimite très clairement dans le temps l’engagement bénévole attendu (time well spent), elle fonctionne sur un mode fractionné pour laisser le temps de s’occuper de son CHATON
Voilà, c’est mon dernier monologue, normalement j’ai fini de vider mon sac. Sauf oubli.